Le sens à construire… pour "corriger" la langue. Atelier Amélioration de textes

In MEDIONI M.-A. (2011). Enseigner la grammaire et le vocabulaire en langues. Lyon : Chronique sociale (pp. 224-234)

"Ils font toujours les mêmes erreurs". "Ils ne voient pas leurs erreurs".
Voilà deux constats malheureusement partagés par tous les enseignants de LE. C'est d'autant plus désolant quand on a été (dé)formé à ne voir que l'erreur, le manque, les lacunes, et que l'on passe son temps, de ce fait, à corriger. La correction, cette entreprise titanesque dans laquelle les enseignants s'épuisent, tels Sysiphe poussant un éternel rocher qui retombe aussitôt, ne produit qu'irritation et insatisfaction. On sait, grâce à des recherches empiriques, que les corrections produisent des effets… à court terme : le fait de signaler une erreur à un apprenant lui permet le plus souvent de la corriger, mais d'une part, l'erreur va se reproduire aussitôt, d'autre part, si on ne la lui signale pas, il ne la verra pas. Ce qui fait dire à Pierre Bange que

"La résolution autoritaire d'un problème de communication n'est pas un étayage. Ce qui compte, ce n'est pas le résultat correct, la conformité de l'énoncé obtenu avec la langue-cible, c'est le travail cognitif induit chez l'apprenant. Etayer, c'est frayer un chemin au novice et non pas imposer un résultat ; c'est impliquer l'apprenant dans le déroulement de la tâche."

Il faut s'y résoudre : la correction magistrale n'est pas un dispositif qui permet de faire évoluer l'interlangue de l'apprenant de façon efficace, de lui faire construire l'autonomie langagière qui est l'objectif de l'enseignement d'une LE. C'est bien souvent une façon de "faire à la place" et de court-circuiter recherche et questionnement de la part des élèves. Cet atelier présente une alternative qui permet aux apprenants de se construire des repères et des orientations pour qu'ils procèdent, eux-mêmes, à l'amélioration de leurs productions. Il a également été souvent animé en formation pour ouvrir d'autres possibles aux enseignants de LE .

Le dispositif qui suit a été proposé pour la première fois dans une classe de 1ère STTA , en mai 2001. Il s'agissait d'élèves en grande difficulté, pour la plupart, en ce qui concernait l'écrit, et pas seulement en langues. Ils étaient de ce fait très réticents à l'écriture, qui plus est au travail d'amélioration des textes, n'étant en aucune façon capables de détecter leurs erreurs. Ils se contentaient de "se faire comprendre", mais n'étaient pas sensibles au manque de cohérence des écrits produits. Il s'agissait pour moi de trouver une situation qui les oblige à regarder de près leur texte, à l'interroger pour l'améliorer. Mais comment m'y prendre puisque seule "l'expression des idées" semblait les préoccuper, au détriment de tout souci pour la correction de la langue ? Ils voulaient dire mais sans s'inquiéter des moyens pour le dire. Je me suis donc résolue à partir de leur préoccupation — le sens — pour qu'ils me rejoignent sur la mienne — la correction de la langue —, puisqu'en définitive, ils avaient raison. Il fallait donc que j'opère un renversement : partir du sens, de ce qu'il veulent dire, les aider à l'exprimer le mieux possible pour les rendre vigilants sur la question de la forme, afin que nos deux projets se rencontrent.

Auteurs: 
Maria-Alice Médioni