Philippe Meirieu : "Situations d'apprentissage", "construction des savoirs" sont des expressions qui circulent beaucoup, qui figurent maintenant dans tous les textes officiels, dans toutes les recommandations faites aux enseignants. Pourtant, on peut être inquiet parfois de voir comment les choses sont effectivement retraduites sur le terrain. Pouvez-vous dire ce que ces expressions proches de la pensée de Jacotot, signifient pour vous ?
M-A. Médioni : Il y a d'abord un deuil à faire pour l'enseignant, c'est celui de la transmission de ce qu'il sait. Parce qu'il sait, justement, il a évacué les difficultés et les obstacles liés à l'acquisition de ce savoir qui a valeur d'évidence aujourd'hui pour lui. Il lui faut donc faire un effort énorme pour revisiter ce savoir et comprendre quels sont les concepts-clés nécessaires pour que ses élèves le construisent à leur tour. La transmission sociale des savoirs (d'une génération à une autre) ne peut se réaliser sans un processus de construction personnelle qui s'opère lorsqu'on est confronté à des situations d'apprentissage. C'est le sujet qui apprend — un enfant, un adolescent, un adulte en formation — mais c'est l'enseignant qui doit réfléchir aux situations les plus pertinentes qui permettent cet apprentissage.
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