In GFEN (2010). 25 pratiques pour enseigner les langues. Lyon : Chronique sociale (pp. 25-34)
Pourquoi se poser cette question au début de cet ouvrage ? N'est-ce qu'une affaire de rhétorique ou cela répond-il à une nécessité dictée par des changements profonds qui bouleversent les représentations, les habitudes et les discours ? Les échanges qui apparaissent dans les différents lieux fréquentés par les enseignants de langues — forums de discussion, stages de formation, presse syndicale, revues pédagogiques, colloques divers, etc. — témoignent d'un questionnement fort sur l'enseignement-apprentissage des langues aujourd'hui et du rôle que l'enseignant est conduit à assumer dans la nouvelle configuration qui se présente à lui.
Dans l'histoire de la didactique des langues, nombreuses ont été les méthodologies préconisées, plus ou moins mises en œuvre selon les époques, qui ont correspondu à des évolutions que Christian Puren analyse davantage en termes de déplacements que de renouvellements et qui correspondent à des mouvements et ruptures, des paradoxes et contradictions, à trois niveaux : les niveaux didactique, institutionnel et social. Force est de constater que la combinaison de ces trois niveaux dicte les orientations en matière de politique des langues. C'est ainsi que, pour ne reprendre que les plus récentes, les théories behavioristes initiées notamment par Skinner aux États-Unis à travers la notion de "conditionnement opérant" vont se combiner à la révolution technologique des années 60 : utilisation d'un matériel spécifique qui vient d'apparaître sur le marché — magnétophone, tableau de feutre, film fixe et labo de langues — et intégration didactique maximale autour du support audio-visuel et des exercices structuraux. L'approche communicative qui suit se pose les questions davantage en termes de diversification des pratiques pour faire face à la massification de l'enseignement, à la compétition internationale et à la révolution de la communication, avec une centration accrue sur l'apprenant, ses motivations et ses stratégies individuelles d'apprentissage.
Aujourd'hui, la didactique des langues prend en compte une donnée nouvelle : au-delà des échanges et de la communication entre individus parlant des langues différentes, il s'agit d'envisager maintenant le fait qu'ils sont amenés chaque fois davantage à faire des choses ensemble, à produire des actions, à mener des projets communs, où les langues étrangères interviennent nécessairement. Ce qui oblige à se poser la question de l'enseignement-apprentissage des langues en termes d'actions et surtout de co-action.