La culture des enseignants d'espagnol, depuis longtemps déjà, les porte à ne pas séparer la question de la langue de celle de la civilisation, des œuvres d'art. C'est ainsi que les manuels d'espagnol proposent des documents authentiques — tableaux de Picasso, de Miró ou de Goya, poèmes de Lorca ou de Machado, etc. — qui peuvent être des supports à la pratique de la langue dès les premières semaines d'apprentissage. Les goûts personnels, les passions de l'enseignant transparaissent, tout autant que ses objectifs linguistiques, dans le choix des documents qu'il propose à ses élèves. Mais ces deux entrées — les goûts personnels ou les objectifs linguistiques — peuvent ne pas suffire à l'élaboration de séquences susceptibles d'entraîner l'activité des élèves et l'apprentissage. Qui plus est, une certaine pratique de la poésie à l'école, conçue comme un objet admirable pour lequel il faudrait laisser libre cours à la sensibilité — l'art étant émotion — ou comme objet à commenter essentiellement dans ses aspects stylistiques, peut déboucher sur l'ennui, le décrochage, voire le dégoût de la part de certains élèves. Attendre les réactions des élèves face à ce qui peut paraître passionnant et riche pour l'enseignant, les inviter à "vibrer" avec le poète, peut se révéler un exercice douloureux pour tout le monde, pour les élèves, comme pour l'enseignant.
Il n'est pas simple, pour les élèves, d'entrer dans le travail de création de la langue et de l'imaginaire. Cela nécessite, de la part de l'enseignant, un travail d'appropriation du texte qui lui permette d'en comprendre les enjeux possibles à faire construire, et de créer, à son tour, une situation suffisamment insolite pour que ses élèves puissent, tous, s'emparer de l'intérêt et de la beauté de ce qui leur est proposé. Voici deux exemples qui peuvent illustrer ces deux pôles et les deux propositions de travail qui les accompagnent.