In MEDIONI M.-A. (2011). Enseigner la grammaire et le vocabulaire en langues. Lyon : Chronique sociale (pp. 71-83)
Encore une "bête noire" pour un apprenant d'espagnol, au point que souvent, par le passé, les enseignants "dispensaient" les élèves "de mettre les accents" à l’écrit — du moins pendant les premières années d'apprentissage — en espérant que plus tard, ils en sentiraient davantage la nécessité et pourraient ainsi rétablir ce qui avait été mis temporairement de côté. Outre le fait que cela ne faisait que renforcer chez les élèves l'idée que l'on pouvait fort bien se passer de cet accent, cet évitement ne pouvait donner lieu plus tard à la compréhension de la fonction distinctive de l'accentuation en espagnol, comme par l'effet d'une baguette magique.
La première difficulté, en effet, réside dans la focalisation sur l'accent écrit, la partie visible, puisque l'enseignement des langues est encore trop basé sur l'écrit, ce qui occulte la question de l'accent tonique qu'il est important de faire construire aux élèves francophones. En français, l'accent tonique est souvent considéré comme un accent fixe, toujours placé sur la dernière syllabe. Pour autant, les choses ne sont pas si simples, comme le fait remarquer Eveline Charmeux qui insiste sur le "fonctionnement très original de l’accent tonique en français" :
"Contrairement à ce qui se passe en anglais ou en espagnol, où les mots ont chacun un accent tonique, invariable, noté dans le dictionnaire, et donc repérable à l’oral, l’accent tonique en français n’appartient pas au mot. Il concerne l’ensemble des mots prononcés d’une seule émission d’air (ce que les spécialistes appellent « le groupe phonique »), dont il frappe la dernière syllabe à voyelle prononcée (excluant donc l’e dit muet). Ce qui implique, entre autres, que les mots français puissent selon leur place dans ce groupe phonique, être ou non accentués."
L'accent tonique en espagnol est distinctif : il permet de distinguer deux mots semblables — canto/cantó [je chante (le chant)/il (elle) chanta/a chanté, vous chantâtes/avez chanté ] ; pérdida/perdida [la perte/perdue]. Mais ce qui heurte particulièrement un apprenant c'est que l'accent écrit ne modifie pas le son de la voyelle accentuée. Il oublie ainsi que le phénomène existe aussi en français : c'est le cas de "à", par exemple. La notion d'arbitraire s'impose rapidement : à quoi bon alors mettre un accent ? Mais surtout, comment sait-on "qu'il y a un accent" — sous-entendu : un accent écrit — puisqu'"on ne l'entend pas" ?
In MEDIONI M.-A. (2011). Enseigner la grammaire et le vocabulaire en langues. Lyon : Chronique sociale (pp. 71-83)