In MEDIONI M.-A. (2011). Enseigner la grammaire et le vocabulaire en langues. Lyon : Chronique sociale (pp. 202-212)
Que de débats à propos d'un verbe si ordinaire dans la langue espagnole mais qui oblige, pour un francophone, à se décentrer par rapport à ce qu’il conçoit comme un équivalent du verbe aimer en français. Si l'utilisation de gustar se rapproche de celle du verbe aimer, sa construction correspond plutôt à celle du verbe plaire et cela donne lieu à des confusions — voire à des aberrations — que les explications simplistes ne peuvent pas lever. D’autre part, gustar est présenté aux élèves dans les manuels comme, le plus souvent, un verbe qui ne comporterait que deux personnes — 3ème et 6ème personnes — ou, au mieux, comme un verbe dont on n’utiliserait que ces deux personnes , alors que tous les hispanistes connaissent parfaitement le poème de Pablo Neruda, Me gustas cuando callas… [J’aime quant tu te tais…] ou la chanson de Manu Chao, Me gustas tú, qui a fait couler tant d’encre !
Il s’agit donc, d’une part, de présenter ce verbe, dès le début de l’apprentissage de l’espagnol, comme un verbe ordinaire, très usité et parfaitement régulier dans sa conjugaison ; ou bien de dédramatiser un usage compliqué par les simplifications abusives qui dénaturent la langue, pour les élèves de niveau plus avancé ayant subi un enseignement porteur de confusion. D’autre part, la prise de conscience de tout le parti qu’on peut tirer de ce verbe — contrairement à l'usage réducteur préconisé dans les manuels — me paraît jubilatoire. C’est dire que cette mise en situation peut être proposée à des débutants, lorsqu’ils ont eu l’occasion de rencontrer et d’utiliser à maintes reprises ce verbe, mais aussi à des élèves de A2, voire de B1 et B2, qui continueraient à "se tromper" — et pour cause ! — désespérément.