L'alternance modale. Recherche de sens ou inventaire d'emplois

In MEDIONI M.-A. (2011). Enseigner la grammaire et le vocabulaire en langues. Lyon : Chronique sociale (pp. 165-172)

Le mode subjonctif a une grande vitalité dans la langue espagnole, aussi bien écrite que parlée, et sa valeur de "non-réalité du fait secondaire" est beaucoup plus rigoureusement respectée qu'en français, où il ne subsiste plus guère qu'une seule forme : le subjonctif présent. C'est certainement la raison pour laquelle il existe une telle focalisation sur ce mode en classe d'espagnol. Au point que pendant longtemps, les sollicitations faites aux élèves à propos d'un document — en termes de commentaire, puisque c'était l'activité privilégiée — tenaient davantage du prétexte à l'emploi du subjonctif que de l'invitation à dire ce qu'ils pensaient du texte ou du tableau, ou ce que cela évoquait pour eux.

Aujourd'hui, il s'agit d'acquérir une compétence linguistique telle qu'elle permette d'agir dans la langue. La connaissance et la maîtrise de telle ou telle forme ne sont plus un but mais un moyen au service des tâches à accomplir. Pour autant, cela n'exclut pas, au contraire, qu'on s'y penche pour comprendre le fonctionnement de phénomènes nouveaux ou qui obligent à se décentrer par rapport au français.

Malheureusement, la présentation de ce mode dans le champ scolaire, n'est guère propice à la compréhension de l'usage qu'un locuteur peut faire de cette forme linguistique. En effet, les grammaires et surtout les manuels, même s'ils rappellent que le subjonctif est le mode de l'irréalité, de l'action non réalisée ou de la réalité subjective, ont tendance à insister davantage sur le répertoire des mots ou expressions qui déclenchent ce mode — querer que [vouloir que] ; esperar que [espérer que] ; es preciso que [il faut que, il est nécessaire que] ; para que [pour que] ; por más que [avoir beau] ; aunque [même si] ; et tant d'autres —, assorti de la formule consacrée : "on emploie le subjonctif après…" au détriment de la prise en compte du point de vue du locuteur. Suivent alors les expressions en question, ainsi que d'autres qui, en revanche, peuvent être suivies du subjonctif ou de l'indicatif. De telle sorte que cela induit, chez les élèves, des comportements mécanistes. Au mieux, ils mémorisent les formes — para que + subjonctif —, mais comme la liste est vraiment trop longue, certains ont tendance à simplifier. C'est ainsi que quizás [peut-être] qui admet l'alternance modale, est toujours suivi, pour eux, du subjonctif. Cela va parfois jusqu'à l'absurde : dans cette profusion d'occurrences, ils ne retiennent que le plus petit commun dénominateur — la conjonction que — et vont ainsi "mettre" un subjonctif chaque fois qu'ils rencontrent "un que" ! Habitués comme ils le sont à mémoriser sans réfléchir et à appliquer, sans analyser, ils ont beaucoup de mal à lâcher des "recettes" qui les sécurisent, même si elles les induisent en erreur, le plus souvent.

Comme il s'agit de remplacer la mémorisation des formes par la construction du sens, j'utilise deux formes de travail :
- un atelier d'observation et de réflexion sur les usages du subjonctif, du même type que pour le choix entre les verbes ser et estar , puisque, dans les deux cas, se pose, à un moment donné, la question du choix de l'énonciateur ;
- le débat scientifique à l'occasion de la correction d'une production écrite, par exemple.

Auteurs: 
Maria-Alice Médioni
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